Mushotoku : calligraphie du Maître Zen Deshimaru Taisen *
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Mu (無) Sho (所) Toku ( 得) veut dire « sans but, ni esprit de profit ».
Cela ne signifie pas pour autant que nous ne devrions pas avoir d’objectifs ni de résultats, bien au contraire. Mais que pour évoluer il est nécessaire de s’en détacher.
Il faut réaliser le plus parfaitement possible ce que l’on fait à chaque instant sans se préoccuper du résultat escompté. Cette démarche intérieure amène très souvent un résultat positif, alors que, paradoxalement, se focaliser à tout prix sur un résultat positif débouche sur un résultat négatif.
L’important c’est le chemin, le but est le chemin, ici et maintenant.
Tout ce qui vit sur cette Terre aspire à croître, se développer. Les végétaux poussent. Les animaux, après la naissance, grandissent puis deviennent adultes.
Il en va ainsi également pour les êtres humains. Ce n’est pas un but mais tout simplement le cours naturel de la vie dans un univers parfaitement équilibré.
Mais que les terres s’appauvrissent et les plantes dépériront. Que les habitats naturels de la faune soient détruits et les animaux disparaitront. Que l’homme, par ses interventions, rompe l’équilibre des forces de la nature et …
L’homme, en toute conscience, à la possibilité d’intervenir sur le cours des choses. Mais encore faut-il que cette conscience soit pure, éclairée, en transcendant toutes les limitations dues à la recherche d’un but, au risque de tomber dans l’égarement.
L’esprit Mushotoku consiste à laisser passer toute chose, en se concentrant sur l’action immédiate, sans égoïsme. Par l’abandon de toute volonté, de toute pensée parasite, le véritable esprit pur se manifeste. De cet esprit pur surgiront par intuition les pensées importantes, qui se réaliseront inconsciemment, naturellement, automatiquement.
En Aïkido le travail physique développe l’esprit et le travail sur l’esprit développe le corps. Le reigisaho (mise en pratique du reishiki) participe grandement à ce processus.
Par la pratique continue de l’Aïkido, l’esprit pénètre profondément le corps. Il devient le corps. C’est alors le corps qui pense, l’action devient purement intuitive, infiniment plus juste que l’action réfléchie, volontaire.
Mais il n’y a pas de secret, dans le Budo il faut s’entraîner encore et encore, travailler sur le corps et l’esprit, pour ensuite comprendre au fil du temps ; plutôt que d’essayer de comprendre avant de faire, ce qui parasiterait et entraverait la progression.
Il est à noter que Mu (無) signifie la non-existence et par extension le vide. Mais vide n’est pas rien. C’est simplement un niveau de conscience qui permet une hypersensibilité de la perception du monde qui nous entoure, sans interférences, une vision limpide des évènements. Pour remplir un récipient d’eau pure, il faut d’abord le vider de l’eau polluée qui y a séjourné.
De nos jours, dans la vie quotidienne, l’esprit est saturé par une diffusion à profusion d’informations (et de contre- informations) en temps réel, brouillant (manipulant ?) la vision que l’on peut avoir sur le monde.
Il est plus que jamais essentiel de percevoir la réalité de manière juste.
Didier Cagnet